Le Magazine de l’Association des Alumni HEC Lausanne

05.06.2023
Vie de l'Association

Conférence de Dan Staner - L’ARN messager, la prochaine révolution du monde de la santé

L’implémentation récente de Moderna en Europe. Nous avons commencé à entendre parler de cette entreprise il y a peu, alors que la course au vaccin contre la COVID 19 battait son plein, mais peu de gens savent qu’au moment où nous entendions ce nom pour la première fois en 2020, Dan Staner (directeur suisse de Moderna) venait tout juste d’être engagé et était le premier employé de Moderna en Europe. L’entreprise, fondée en 2010 a connu une expansion fulgurante dans les dernières années grâce à la pandémie. Son directeur suisse compare cet événement à l’IPhone pour Apple, qui a aussi permis de faire passer le géant à la pomme dans la cour des grands. D’un employé en 2020, ils sont actuellement plus de 200 en Suisse.

Moderna, plus qu’une simple entreprise pharmaceutique

Dan Staner (HEC'93) met bien l’accent sur le fait que Moderna est, plus que ses concurrents, une plateforme technologique dont l’objectif est d’améliorer les techniques de production dans l’industrie pharmaceutique. Dans l’imaginaire collectif, Moderna n’est connu que par rapport au COVID, cependant l’entreprise a bien d’autres activités, il y a actuellement 48 programmes de développement de médicaments grâce aux 18 milliards générés (dont 5 à 6 ont été réinvestis dans la recherche). Par exemple, ils sont actuellement en train de développer des vaccins personnalisés pour combattre certains types de cancer. Le but de l’ARN messager est d’utiliser son propre organisme en lui donnant les instructions pour combattre la maladie.

La technologie de l’ARN messager

Il compare l’ARN au software qui permet de donner la marche à suivre au corps pour produire la bonne réaction contre la maladie. Beaucoup de gens ne croyaient pas en cette technologie il y a une dizaine d’années car les défenses immunitaires détruisaient la séquence d’ARN avant qu’elle n’ait pu donner ses instructions. Il a donc fallu créer une protection pour assurer la livraison de l’ARN dans l’organisme. Cette protection a vu le jour après 7 à 8 ans de recherches sous la forme de nanoparticules lipidiques qui agissent comme une barrière autour de la séquence de l’ARN jusqu’à son assimilation par l’organisme. Le 3ème défi était de trouver l’équilibre entre ces 2 substances pour que les vaccins soient stables et qu’ils puissent être stockés et transportés. L’avantage logistique de cette technologie, c’est que ce principe est utilisé pour tous leurs vaccins. Moderna peut donc centraliser ses productions dans une seule usine, économisant ainsi des coûts d’installation énormes. Les temps de recherche et développement sont aussi accélérés car il suffit de comprendre la maladie pour adapter la formule de l’ARN à celle-ci. C’est grâce à cette technologie que le vaccin contre la COVID a été créé en seulement 11 mois et que celui pour le variant Omicron, après avoir défini la souche en juin 2022, était déjà livré en septembre de cette même année aux Etats-Unis.

L’avenir commercial de Moderna

Il y a aujourd’hui 500 à 600 employés en Europe en à peine 3 ans, l’évolution de Moderna est donc exponentielle. Cette croissance amène aussi de nouveaux défis avec elle. Tout d’abord, il faut gérer le développement extrêmement rapide du nombre d’employés mais aussi du nombre de programmes en développement. Chaque étape de création du vaccin est attribuée à une entreprise partenaire en Europe, de la création de la substance à la mise en seringue, ce qui augmente aussi le nombre de personnes avec lesquelles collaborer. Dans les 2 prochaines années, l’entreprise prévoit de lancer des recherches sur les 15 pathogènes les plus dangereux selon l’OMS afin de prévoir le cas où l’un d’eux se propagerait (p.ex. si Zika se transmettait à l’homme) et ainsi pouvoir traiter le problème le plus rapidement possible. Dan Staner nous explique qu’un autre objectif est de rendre accessible à tous cette technologie, le seul problème étant les difficultés techniques liées à l’ARN, ce qui empêche donc d’autres laboratoires ou chercheurs de reproduire la formule de l’ARN. Moderna offre cependant son aide en fournissant les médicaments si des laboratoires leur en font la demande avec un problème précis, toujours dans un but de protection de la santé mondiale. Enfin, Moderna veut aussi développer des partenariats avec des pays qui pourraient potentiellement être isolés lors de futures pandémies. L’entreprise veut donc construire des usines dans ces pays afin de leur permettre d’assurer leur propre production de vaccins et qu’ils ne soient pas limités par les restrictions à l’importation (comme l’Australie, l’Angleterre ou le Kenya pour le continent africain).

Comment gérer l’hyper-croissance de l’entreprise

Après avoir secoué le monde de la santé dans ces dernières années, Moderna doit rester concentré sur l’avenir avec la volonté de continuer d’innover. Le recrutement de personnel est donc très spécial car les personnes intégrant l’entreprise doivent avoir en tête que tout leur travail peut devenir complètement obsolète dans 2 ou 3 ans. Le directeur suisse de Moderna explique bien que les principales qualités qu’il recherche sont l’esprit d’innovation et la capacité à se remettre en permanence en question. Pour assurer une formation permanente de ses employés, Moderna a créé sa propre université et enseigne l’intelligence artificielle à tous ses employés quelque soit leur rôle dans l’entreprise. Un objectif est de s’appuyer sur la digitalisation des processus afin de gagner en efficacité et ainsi se limiter à un effectif de 8000 à 9000 employés. Il nous explique ensuite que les valeurs primordiales chez Moderna sont l’adaptabilité, la capacité à travailler dans l’urgence et la gestion de risque. La firme est capable de faire des virages à 90 degrés dans ses recherches lorsqu’elle se retrouve face à une impasse, le travail de beaucoup d’employés peut donc complètement changer du jour au lendemain et un plan de carrière précis n’est donc pas possible. La volonté de l’entreprise est d’éviter la viscosité, ce qui signifie que dès qu’une personne n’est plus la plus qualifiée pour son poste, elle devra laisser sa place afin de permettre à l’entreprise de se développer de la manière la plus efficiente possible. Le bien de l’entreprise doit donc passer avant celui de l’individu. Construire une compagnie qui évolue si vite est donc un challenge qui occupe Moderna au quotidien et investir dans chaque individu en les formant permet aux employés de suivre l’évolution de l’entreprise et ses nouveaux besoins. Pour travailler chez Moderna, il faut donc être capable de se réinventer tous les jours pour satisfaire le bien commun, le bien de l’entreprise. 

Valentin Mermoud, HEConomist